Souvenirs d’un musicien à ses premières harmonies
Par Denis Bloechle
Souvenirs d’un musicien à ses premières harmonies
Par Denis Bloechle
C’était la saison musicale 1957-58 et j’étais fier de jouer mon premier concert au sein de l’harmonie d’Estavayer-le-Lac. Mon père et mes trois frères faisaient déjà partie de la Persévérance. J’avais douze ans et je jouais de la flûte traversière. Je me sentais privilégié de faire partie de la société et j’ai tout de suite été fasciné par son directeur, Bernard Chenaux, ainsi que par son énergie débordante. Il dégageait quelque chose d’unique et je me souviens des larges sourires qu’il nous adressait lorsque nos passages musicaux le satisfaisaient.
Soucieux de repourvoir les rangs des différents registres, il avait créé une école de musique qu’on appelait la maîtrise. Les musiciens qui avaient déjà une certaine expérience enseignaient aux nouveaux élèves. Il me confia deux ou trois élèves flûtistes, plus grands que moi ! Il faut croire qu’il me faisait confiance puisque son fils, André Chenaux, en faisait partie.
En 1958, je tenais la partition de flûte dans le Mystère de St Laurent, spectacle pour lequel il avait composé la musique. J’étais impressionné par ce personnage qui dirigeait l’ensemble instrumental, le chœur-mixte et qui assumait personnellement les passages d’orgue. De surcroît, il devait constamment se retourner pour synchroniser la musique et le jeu de scène ! Prodigieux ! Il y eut environ 10 représentations, ce fut un succès immense et c’est un Bernard Chenaux rayonnant que l’on retrouvait après chaque spectacle.
Je garde un souvenir lumineux de ce grand musicien. Il était imposant tout en restant chaleureux. Il possédait ce don des grands chefs d’orchestre, celui d’insuffler la passion aux musiciens! Avec lui, on se surpassait… Il nous inspirait à donner le meilleur de nous !
Si 57 ans plus tard, je joue toujours à la Persévérance, c’est peut-être grâce à lui. Je pense que beaucoup de chanteurs et de musiciens ont été amoureux de la musique grâce à son talent !
Merci Bernard
Denis Bloechle
Concerts /
Souvenirs de Bernard Chenaux
Par Bernard Maillard
Etudiant à l’Ecole Normale de Fribourg, j’ai eu la chance de connaître le « Père Chenaux ». Il a été plus qu’un papa, il était notre grand-papa. Quel engagement dans notre école ; professeur de piano, professeur d’orgue pour les plus avancés, professeur de didactique, professeur de direction chorale, chef de chœur. Sa crinière blanche, sa haute stature, son élégance confirmait son autorité naturelle et le charme de ce soixantenaire nous en imposait.
Il aimait nous taquiner avec son humour extraordinaire. Des saperlipopettes, des « allons mes petits » égrainaient nos cours de musique et les répétitions du chœur. Par sa pédagogie, par son talent, mais surtout son charisme, il a su nous montrer, nous prouver que la musique est l’art sublime. Il savait communiquer cette passion, sa passion.
Dans le cadre des cours de direction pour l’obtention du diplôme fédéral de directeur de fanfare, Bernard Chenaux enseignait la direction. Quelle rigueur, quelle exigence envers tous ces jeunes chefs en devenir ! Il était à l’affût du moindre détail tant dans la gestique que dans l’attitude envers les musiciens. Oui, une attitude bienveillante, encourageante à l’image de l’exemple qu’il nous a laissé.
Il y aurait encore moult témoignages. Je pense au Requiem de Mozart donné en mars 1980, à l’aula de l’Université avec le chœur des élèves de l’Ecole Normale. Son interprétation était pétrie de ferveur, de sensibilité !
Je reste très marqué par le fait que la dernière œuvre de Bernard Chenaux était une commande que je lui avais faite pour le chœur Lè Riondènê de Broc que je dirigeais à cette époque.
Quelques témoignages d’anciens élèves de l’Ecole Normale :
« Une personne pleine d’humour et de chaleur humaine. Un professeur qui savait transmettre sa passion en prenant ses élèves à leur niveau. Un professeur qui savait détendre ses élèves pour les faire progresser.»
« Un bon papa, au cœur tendre, une sensibilité communicative, un amoureux de son art. La gentillesse et la passion incarnées sous des airs de Beethoven. »
« Des doigts boudinés qui courent avec virtuosité sur les touches du piano. La mèche grise à réajuster (sans cesse) sur le front. Le souci d’être le directeur de tous, de ne former qu’un seul chœur (cœur) qui bat au même rythme. »
Bernard Maillard
Bernard Chenaux
Par Michel Brodard
Lorsque j’ai, pour la première fois, en 1977, rencontré Bernard Chenaux, le personnage était auréolé d’un grand prestige. Chef d’orchestre, chef de chœurs, pédagogue, compositeur ! C’est donc avec une certaine appréhension que j’allais l’aborder.
Il m’avait confié le rôle-titre d’Elias dans l’oratorio de Mendelssohn et il fallait que je mérite sa confiance.
A la première poignée de mains j’ai compris que mes craintes étaient vaines. J’étais en face d’un homme chaleureux et aimable.
Dès les premières mesures de la répétition « solistes », se mettant lui-même au piano, il se montra à l’écoute et attentif au service des voix et de la musique tout en apportant une conception très claire de l’œuvre.
La Société d’Orchestre de Bienne dans sa formation symphonique avait été engagée pour ce projet. Il est bien connu que les orchestres professionnels peuvent se montrer réticents à se laisser diriger par des chefs autres que les leurs ; or, dès que Bernard Chenaux monta au pupitre et, dès les premières mesures, il fut évident que l’orchestre était séduit. Par son charisme, son humanisme, une profonde connaissance de la partition et une technique très sûre de la direction d’orchestre, le chef sut transmettre le message et faire passer toute l’émotion de Mendelssohn.
Le Chœur de la Glâne et la Chorale des enseignants de la Broye étaient les artisans de cet événement qui se matérialisa sous forme de deux concerts : l’un à Domdidier et l’autre à Drognens.
Je garde de ces moments, un souvenir ému et c’est là que je pris conscience que Monsieur Chenaux était un chef de grande envergure.
Cet homme aimait la musique qui le lui rendait bien.
Michel Brodard
Hommage à Bernard Chenaux
Par Emmanuel Ding
Pour moi, Bernard Chenaux a été mon professeur de piano et de chant à l’Ecole normale de Fribourg. Je l’ai aussi eu comme directeur décanal ( à l’époque décanats de Notre Dame de Tours et de Saint Etienne ), directeur à La Chorale des enseignants et remplaçant chef de chœur lors de mon école de recrue.
Bernard Chenaux a laissé chez moi l’empreinte, évidemment, de ses compétences musicales et je suis admiratif devant la manière de transmettre sa passion. Quand il nous donnait des leçons de piano, de chant ou de direction, c’est son côté ouvert et passionné qui m’a surtout marqué.
Combien de fois, au milieu d’un cours ou d’une répétition, un mot, une question et c’était parti pour une belle leçon de vie. Humain avant tout, il prenait le temps et ça aussi c’était important. Dans ma classe, à l’Ecole normale, avec beaucoup de respect, on l’appelait affectueusement, « Papa Chenaux ».
A la chorale des enseignants, on arrivait parfois avec nos soucis quotidiens. L’effort pour venir à la répétition pesait un peu mais il suffisait de quelques minutes et on était sous son emprise et plus rien d’autres ne comptait. C’était magique.
A 20 ans, quand j’ai pris avec hésitations, la direction du chœur-mixte de Dompierre-Russy, s’il n’avait pas été là pour me conseiller et me soutenir, je ne suis pas sûr que je serais encore chef de choeur. Aujourd’hui, dans les difficultés que je peux rencontrer avec ma chorale, je me réfère encore à son enseignement.
Toute ma reconnaissance Monsieur Chenaux
Emmanuel Ding
Bernard Chenaux
Par Pierre-Georges Roubaty
Si Fribourg nommait l’Abbé Kaelin PK, avec grand respect, pour Bernard c'était …Monsieur Chenaux…
Même mon papa, grand ami depuis l’Ecole Normale à Hauterive, et qui le recevait régulièrement chez nous disait « Mon cher Monsieur Chenaux… ». Et c’est depuis ces moments de rencontres que j’ai eu la chance de côtoyer Bernard qui allait devenir, bien plus tard, mon professeur de musique à la Rue de Morat.
Monsieur Chenaux est pour moi :
-Monsieur Class’…..ique et Romantique dans le fond et dans la forme sans oublier ses Contemporains
-l’élégance du geste dirigeant Sa Concordia ou de temps à autre des Orchestres
-son extrême gentillesse même au travers de l'exigence
-son souci du respect de chaque composition
-son enthousiasme et son sourire
-sa chevelure proche de « Don Giovanni » qui faisait chavirer….plus d’une Soprano ou Alto…
-son amour inconditionnel pour l’Histoire et pour l’Histoire de la Musique
-ses compositions toujours très soignées empreintes de créativité évolutive. Je pense tout particulièrement aux « Fontaines de Fribourg », magnifique hommage à sa ville mais aussi en coup d’oeil « complice » à Smetana qu’il appréciait tout particulièrement.
Je me réjouis d’interpréter, en la cathédrale St Nicolas, sa Messe "Notre Dame de l’Evi » écrite, d’abord, pour choeur d’hommes, que j’ai entendue, en création, dans mon église paroissiale, lors des "Céciliennes de Ste Croix ».
Le directeur décanal était Oscar Moret, les experts : Monsieur l’Abbé Kaelin et Monsieur Bernard Chenaux et le soussigné…servant de messe...
Merci mon cher Bernard pour Ta musique dans la vie et ta vie dans La Musique. Bon anniversaire.
Je t’embrasse.
Pierre-Georges Roubaty
Bernard Chenaux
Par Pascal Corminboeuf
J’ai eu la chance d’avoir, à 12 ans, Bernard Chenaux comme maître de classe, professeur de français, d’histoire et de chant en première littéraire à Estavayer. Découvrir les écrivains romantiques avec un musicien romantique: quel privilège!
Retrouver à 16 ans, alors qu’il avait émigré vers l’Ecole normale à Fribourg, Bernard Chenaux comme directeur décanal des Céciliennes, est une autre chance. Nos deux décanats réunis allaient de la paroisse catholique de Oron jusqu’à Avenches en prenant toutes les paroisses fribourgeoises et vaudoises entre les deux. Parfois certaines sociétés étaient encore un peu hésitantes le dimanche matin…. Il suffisait de la répétition générale pour nous galvaniser toutes et tous et pour générer une ferveur égale à l’enthousiasme du directeur décanal qui sublimait tous les participants.
Après le repas et quelques chansons profanes, venait le moment attendu comme l’autre point fort de la journée: le rapport musical, pastoral et liturgique de Bernard Chenaux qui se transformait invariablement en une communion privilégiée où nous étions suspendus aux lèvres de celui qu’affectueusement, entre chanteuses et chanteurs, nous appelions " l’ Evêque de la Broye ». Personne ne voyait le temps passer ! Cela pouvait durer une bonne heure ou même un peu plus… Nous recevions, directeurs et chanteurs, le viatique nécessaire pour progresser jusqu’à la prochaine Cécilienne, 4 ans plus tard. Ces souvenirs sont encore présents dans le coeur de tous ceux qui ont eu la chance de vivre ces journées exaltantes. Merci Monsieur le Directeur et bon anniversaire.
Pascal Corminboeuf
Bernard Chenaux
Par François Loup
Quel honneur pour moi de pouvoir exprimer mes sentiments et mon admiration pour Bernard Chenaux. Si j'ai réussi tout au long de ma carrière de chanteur lyrique, c'est à lui que je le dois. Dès l'âge de 4 ans, je me réjouissais d'aller à la messe chantée chaque dimanche matin pour entendre Monsieur Chenaux jouer des introductions et des improvisations pendant les minutes où les fidèles entraient dans l'église d'Estavayer pour le service du matin. Et puis c'était le choeur mixte qui chantait le grégorien sous sa main magique. Il semblait que des anges volaient autour de la tribune et à travers les vitraux. Et puis, il y avait des improvisations pendant l'offertoire et la communion: jamais les mêmes et toujours poétiques et romantiques. Souvent ma maman, quand elle ne chantait pas avec le choeur, me tenait la main, comme pour partager mon émotion.
Et puis la pièce de sortie explosait sous les voûtes, tantôt du Bach, tantôt du Duruflé, plus moderne et séduisant pour mes jeunes oreilles.
Plus tard, il fut notre maitre de solfège à l'école primaire et j'ai découvert sous sa conduite que le solfège était facile et m'ouvrirait tant de portes vers la connaissance musicale. Je devins un fervant du piano et souvent j'allais discrètement à la tribune quand il préparait un concert ou sa virtuosité. Après l'avoir entendu jouer la fameuse Marche Héroïque de César Frank, j'ai espéré qu'un jour je pourrais la jouer. Ceci est arrivé 20 ans plus tard, Alors que je passais mon certificat d'orgue au conservatoire de Fribourg, étant alors élève de Louis Sauteur.
Monsieur Chenaux fut mon mentor du premier jour de ma passion pour la musique jusqu'à aujourd'hui. En 1995, je donnai un récital à Estavayer avec des oeuvres un peu trop modernes pour le public de mes amis, mais la Radio de la Suisse Romande voulait que je mette au programme des oeuvres d' Othmar Schoeck. A ma grande surprise, je vis Bernard Chenaux parmi les rangs. Je fus si ému qu'il fut la seule personne avec qui je parlai à la suite du concert.
Je pourrais parler des heures de mon admiration et gratitude envers ce génie de la musique, qui a su attirer tant de monde dans notre canton vers ce domaine merveilleux et réconfortant comme une médecine dans les moments durs de la vie: la musique et le chant. Merci encore pour tout, cher Monsieur Chenaux."
François Loup